Denzel avait continué à fréquenter l’église de façonsporadique avec sa mère et son frère. « L’église était pourmoi un lieu merveilleux et saint – les habits du dimanche, lechœur, le rituel, les baptêmes. Mais je ne savais vraiment riende Dieu. » Avec le temps, Denzel apprit à mieux connaître Dieu, maisseulement après être passé par une véritable conversion. Iln’avait pas d’objections intellectuelles à l’égard duchristianisme. Il respectait l’Eglise et en acceptait lesprincipes fondamentaux, à savoir que la Bible est la Parole deDieu, que Christ est ressuscité des morts et que nous avonsbesoin du salut. Sa conversion eut lieu à la suite d’un simple message sur le péché et larepentance qui toucha son cœur. L’histoire de Denzel illustre de diverses façons lesatouts et les faiblesses du message évangélique à l’ancienne mode, et introduit aumieux à la compréhension de son histoire et de son héritage.L’histoire du péché et du salut de Denzel peut commencer pendant sa dernière annéede lycée, quand il eut enfin trouvé la petite amie qu’il avait demandée à Dieu. A cetteépoque-là, il buvait aussi beaucoup. (« Mes amis me considéraient comme unalcoolique, » me dit-il.) Après le lycée, il tenta l’université mais abandonna à la fin dupremier semestre. Il trouva un travail, mais fut licencié au bout de six mois. Et pourcouronner le tout, son amie annonça qu’elle était enceinte.La nouvelle fut un choc pour Denzel, au point de l’obliger, pour la première fois de savie, à réfléchir à ses façons d’agir. « J’avais dix-sept ans, et je pensais que je ne pouvaispas élever un enfant. Mais le plus grave était de savoir que je ferais du mal à ma mère,et je ne voulais pas de ça. »Sa mère avait eu de mauvaises relations avec les hommes qui finissaient toujours pardevenir alcooliques ou dépendants de la drogue. Denzel désirait vivement la protéger.Elle-même avait une attitude farouchement protectrice envers ses deux fils. Elle avaitpendant des années fait des entorses à l’éthique pour qu’ils aient de quoi manger et untoit sur la tête. Au bout de quelques années, les faits la rattrapaient et la famille seretrouvait à la rue. Elle essaya finalement de créer sa propre entreprise, mais sansgrand succès. Au moment même où Denzel affrontait la plus grande crise personnellede sa vie, elle était accusée de malversations financières. Selon toute vraisemblance,elle serait condamnée et finirait derrière les barreaux.Avec la pensée de l’éloignement de sa mère et dès lors livré entièrement à lui-même,Denzel fut pris de panique. Sous le poids des crises qui se succédaient, il recommençaà prier – avec, cette fois, une douloureuse sincérité. « Souvent, la nuit, je me cachaisdans la salle-de-bains et pleurais pendant des heures. Ne sachant comment prier, jelisais les Psaumes comme des prières. »A l’approche de sa condamnation en justice, sa mère décida qu’il fallait prendre desmesures énergiques et déclara qu’ils iraient à l’église. Denzel donna rapidement sonaccord. « Il devint très clair pour moi que c’était là, à l’église, que je rencontrerais Dieu– le même Dieu que j’avais essayé de prier chaque soir. Mon cœur tremblait presqued’excitation et de peur. » Quand ils se glissèrent sur un banc de l’église, il ne putretenir ses larmes. « J’ai pleuré pendant tout le culte, et je ne me souviens d’aucunedes paroles prononcées. »Sa mère fut condamnée à six mois de prison ferme, et comme son frère aîné travaillait,Denzel restait seul à la maison avec son chagrin et son désespoir. Il cherchait Dieu etlisait sa Bible pendant des heures chaque jour. « Un jour, j’ai lu le livre del’Apocalypse, et je fus très frappé par la beauté des nouveaux cieux et de la nouvelleterre. Mais je fus tout aussi terriblement frappé par la certitude que je n’y allais pas.Sans que personne ne m’ait rien dit, je savais que la fornication était une mauvaisechose, que je buvais trop, que je ne vivais pas pour Dieu. Je me sentis si coupable queje tombai à genoux et criai : « Dieu, pardonne-moi ! Dieu, pardonne-moi !»Soudain Denzel se souvint d’une vieille caisse de livres laissée là par son père plusieursannées auparavant, dans un placard sombre. Il tira la caisse à l’extérieur et fouilla àl’intérieur. Il découvrit des livres chrétiens poussiéreux et quelques tracts. L’un d’euxarrêta son regard : Il présentait un message simple et obsolète de culpabilité et depardon, accompagné d’une prière. « Je lus le tract, prononçai la prière et j’eus aussitôtconscience du pardon divin. J’étais débordant de joie – je savais maintenant que jepouvais aller au ciel. » Dès ce moment, Denzel s’engagea entièrement dans sa nouvellefoi.La conversion de Denzel est une histoire évangélique classique de péché et derepentance. Il ne se débattait pas dans des questions de positivisme et depostmodernisme ; il se savait simplement pécheur. Il n’eut pas besoin d’uneapologétique sophistiquée pour être persuadé de l’existence de Dieu ; il voulaitl’assurance du salut. Il ne savait pas démêler les subtilités théologiques qui divisent lesdénominations ; il avait hâte de savoir s’il pouvait aller au ciel. Une conversionspirituelle et pleine d’émotion – une profonde expérience de l’expiation par Christ quis’appliquait personnellement à lui. La conversion de Denzel impliquait pareillementune appropriation personnelle du pardon de Dieu pour ses propres péchés. (Le mêmejour, il confiait à son amie, avec plus d’enthousiasme que de précision théologique : «Dieu a vraiment fait quelque chose en moi. »Sur le plan historique, le mouvement évangélique correspond à un renouveau interneaux églises et n’est pas une dénomination séparée, ce qui explique qu’aucune traditionintellectuelle ne se soit développée dans un premier temps du moins. La nécessité nes’en faisait pas sentir, car il pouvait s’appuyer sur les structures théologiques etecclésiastiques héritées des diverses dénominations. A l’instar des piétistes, lesévangéliques mirent l’accent sur l’appropriation personnelle d’enseignements commele péché et l’expiation. Ils voulaient surtout favoriser une expérience subjective desvérités objectives de la Bible. Mais lorsque leur système de pensée gagna en influenceau sein de divers groupes – ou lors de la séparation radicale de certains groupes quiprirent leur indépendance –, les évangéliques eurent à souffrir d’une certaine faiblessethéologique. Les groupes eurent en effet tendance à minimiser le rôle de la théologieau profit de ses applications tels, par exemple, le culte personnel, la conduite morale etles réformes sociales.Peu après sa conversion, Denzel commença à percevoir l’absence de l’élément cognitifdans les églises qu’il fréquentait. Conscient de l’action de Dieu dans son âme, il désiraitvivement en apprendre davantage sur l’identité de ce Dieu. Quand je fis saconnaissance deux ans plus tard, il avait développé une soif insatiable deconnaissances spirituelles et assistait à trois cultes dans trois églises différenteschaque dimanche, pour découvrir à tout prix ce que les diverses dénominationsenseignaient. Malheureusement, sa soif de connaissance théologique resta pour une grande partinsatisfaite. « A mon baptême, j’ai voulu m’informer sur la Trinité auprès de ladiaconesse. Elle me dit de croire simplement que Jésus est Dieu et de ne pas mesoucier des détails. » Il essaya de contacter des pasteurs, des moniteurs d’écoles dudimanche et toute personne qu’il pouvait retenir par la manche dans l’église, mais bienpeu avaient des réponses à ses flots de questions. La pression s’intensifia encore aprèsqu’il eut trouvé du travail. Bon nombre de ses collègues étaient des musulmans ou desTémoins de Jéhovah très à l’aise pour parler de leurs croyances. « Tous étaientcapables de défendre leurs convictions - hormis les chrétiens. Ils étaient les seuls àsembler ne pas avoir de réponses. » Denzel comprit ainsi que, dans une sociétépluraliste, les chrétiens doivent maîtriser l’apologétique afin de défendre leur foi sur laplace publique.Il eut finalement l’idée de chercher un poste dans une librairie chrétienne pour avoiraccès à des ouvrages spirituels sérieux. Là, il se lia d’amitié avec mon fils Dieter quiavait connu un réveil spirituel quelques mois plus tôt et avait pris un poste pour lamême raison ! Tous deux découvrirent des écrivains spécialisés dans la théologie etl’apologétique qui les aidèrent à étancher leur grande soif intellectuelle – FrancisSchaeffer, C.S. Lewis, R.C. Sproul, James Montgomery Boice et J.J. Packer. SurInternet, Denzel dénicha des œuvres classiques d’Augustin, Thomas d’Aquin, Luther,Calvin et Spurgeon.L’histoire du péché et du salut illustre à la fois, dans le cas de Denzel, les points forts etles déficiences du mouvement évangélique américain. Après sa lecture du tractpoussiéreux qui présentait le simple message de l’Evangile, il se sentit aussitôt libérédu fardeau de sa culpabilité. L’assurance du salut déferla sur son âme comme uncourant vivifiant. Son église l’accueillit, le baptisa et lui offrit une place pour le culted’adoration. Mais quand il se mit en quête d’une nourriture plus substantielle auniveau théologique et apologétique, sa quête fut longue et difficile. Il chercheaujourd’hui encore une église qui s’adresse à la personnalité tout entière, esprit inclus.Pourquoi avoir si largement accepté une rupture qui verrouille le christianisme auniveau de l’expérience purement personnelle ? Comment avons-nous perdu laconception pleinement substantielle du christianisme comme la vérité descriptive detoute la réalité, autrement dit la vérité intégrale ? Seul un retour en arrière sur lechemin qui nous a amenés là où nous en sommes permettra de nous équiper en vued’un meilleur parcours pour l’avenir.
VERITE TOTALE
LE CHRISTIANISME LIBERE DE SA CAPTIVITE CULTURELLE